"Tous les diamants du ciel", du pain béni pour les lettres françaises

Publié le par Sébastien

Roman. Cet homme-là voudrait se mettre la CIA à dos qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Pas de panique cependant, et pour plusieurs raisons : 

1) Les hommes de Langley savent-ils seulement lire ?

2) Le cas échéant, les hommes de Langley parlent-ils français ?

3) Le cas échéant, un agent cultivé de la CIA doit avoir bien autre chose à faire que de s'occuper du cas d'un écrivain français, fut-ce-t-il barbu.

Nous voilà rassurés. Retour à "Tous les diamants du ciel", objet littéraire de nos angoisses... et très bel exemple de ce que la littérature française peut aujourd'hui réussir.

Pont-Saint-Esprit, été 1951. L'affaire du pain maudit, une série d'intoxications alimentaires, défraie la chronique. Dans le village gardois, mort, intoxication et internement se succèdent sans qu'aucun diagnostic clair ne soit établi.

C'est de ce fait divers que part Claro pour évoquer, en quelque 250 pages, le destin de deux êtres que tout oppose. D'un côté de l'Atlantique, Antoine, fragile adolescent, mitron dans la boulangerie de Pont-Saint-Esprit. De l'autre, Lucy, junkie new-yorkaise paumée et qui ne tarde pas à croise l'inquiétante mais envoûtante figure de Wen Kroy, agent bilingue (anglais-français) de la CIA (voyez ! ça existe !).

Ces deux-là, est-ce seulement le fruit du hasard ?, se rejoignent à Paris, en 1969, dans le sex shop tenu par Lucy, devenue Lucy Diamond. La suite, entre sexe, drogue et rock'n'roll, emmène le lecteur dans les arcanes interlopes des paradis artificiels, du combat révolutionnaire, des services secrets et de la psychiatrie. Et toujours, en arrière-plan, l'ombre inquiétante de la CIA.

Milieux hostiles dans lesquels on plonge pourtant avec délectation, guidée par la plume de Claro. Cette langue-ci est celle d'un esthète, mais elle n'est pas pompeuse, ni lénifiante, car elle sert le récit. On se fait tour à tour, bercer, chahuter ou cueillir par sa prose, jusqu'aux dernières miettes du roman, inéluctables.

Claro, Actes Sud, 20 €.

Parce que ça fait toujours du bien de réentendre du Lennon et qu'on ne peut passer à côté de la référence : LSD, la reprise in Butchering The Beatles : http://www.deezer.com/track/3884605Claro

Pour aller plus loin. La lecture qui a, entre autres, inspiré Claro pour son roman : "A terrible mistake", de H.P. Alabarelli Jr. Et des extraits d'un reportage de 1960 sur le "pain maudit" de Pont-Saint-Esprit : http://www.ina.fr/sciences-et-techniques/medecine-sante/video/CAF97502984/affaire-du-pain-maudit-de-pont-saint-esprit.fr.html

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